« J’ai déjà entendu que je n’avais pas ma place dans le monde du rugby parce que je suis une fille »
Pour son grand oral, Aubane Rousset, élève de Terminale au lycée Beaupré et rugbywoman au Pôle Espoir, traite un sujet d’actualité. À savoir, le sexisme dans le sport de haut niveau. Pour en savoir un peu plus, Amalthée a décidé de lui poser quelques questions…
Pourquoi avoir choisi ce thème pour le grand oral ?
J’ai choisi ce thème pour plusieurs raisons. Tout d’abord car le sexisme dans le sport est un sujet d’actualité depuis plusieurs années. Ensuite, c’est un sujet qui m’intéresse vraiment et il devait avoir un rapport avec la spécialité SES.
Et enfin, étant considérée comme joueuse de haut niveau en cadette, j’espère pouvoir avoir la chance un jour de le devenir en sénior et donc grâce à cela j’ai pu rester dans mon « élément » pour le grand oral.
As-tu rencontré des difficultés dans ton propre parcours ?
Non pas encore car je ne suis qu’en cadette. Mais j’ai déjà entendu ces stéréotypes sur le fait que je n’avais pas ma place dans le monde du rugby parce que je suis une fille et que le rugby est plus un sport considéré pour les hommes.
Est-ce qu’il y a des équipes féminines dans tous les sports ?
J’avoue que je ne sais pas trop, mais je sais en revanche qu’en ce qui concerne le rugby, il y a moins de clubs féminins que masculins. Les garçons/hommes sont plus nombreux dans les clubs.
À quelles difficultés les joueuses peuvent être confrontées ?
Les joueuses peuvent rencontrer des difficultés au niveau du salaire, des contrats ou de la réputation.
Sur le plan personnel, les joueuses ont plus de mal à vivre une vie familiale en parallèle à leur vie professionnelle. Elles ont plus de mal à fonder une famille car la pratique sportive (entraînements, matchs…) prend énormément de temps et d’énergie, de ce fait elles n’ont pas beaucoup le temps d’avoir des activités ou une vie extérieures et de s’investir en tant que mère dans une vie de famille.
Sur le plan professionnel, les joueuses ont plus de mal à trouver un emploi que les joueurs, ou elles ont encore des difficultés à vivre une vie sociale « normale » comme la majorité de la population à cause de la cohésion sport/emploi.
Y a-t-il une grande différence de salaire ?
Oui, la différence de salaire est énorme entre les hommes et les femmes, et ce dans tous les domaines sportifs !
Je vais donner un exemple : au football, un footballeur national (la première année) gagne de 1 680 à 10 080€ par mois selon le joueur, soit un salaire médian de 5 880€ brut par mois. Alors que les femmes ont un salaire médian de 2 494€.
Y a-t-il une spécificité féminine dans le sport ?
Oui, il y en a même plusieurs. Pour citer quelques exemples, les femmes ont la spécificité d’avoir les genoux en « X », elles ont des spécificités physiologiques, morphologiques, mentales, menstruelles, et des motivations différentes.
Est-ce que les femmes ont toujours eu accès au sport ?
Non, les femmes sont arrivées plus tard dans le sport par rapport aux hommes.
Pour donner un exemple bien précis, à l’apparition des Jeux Olympiques, les hommes sont arrivés dès la naissance de cette compétition, c’est-à-dire en 1896. Les femmes n’y sont apparues qu’en 1900 et elles ne pouvaient pas participer à toutes les disciplines notamment à cause d’un stéréotype sur le fait qu’elles n’étaient pas aptes physiquement.
Les femmes n’avaient alors le droit de pratiquer que 2 disciplines sur 95 et ce n’est qu’au fur et à mesure des années qu’elles ont pu en pratiquer plusieurs.
Pourquoi voit-on si peu de matchs féminins à la télé ?
Si on en voit si peu c’est parce que l’on parle moins des femmes dans les médias ou sur les réseaux. Les matchs féminins sont également diffusés sur des chaînes moins regardées par la population. Ordinairement, on accorde moins d’importance à regarder une compétition féminine qu’une compétition masculine.
Quels sont les clichés qui ressortent le plus souvent ?
Les clichés sur les joueuses ne sont plus aussi nombreux qu’avant mais il y en a encore des tenaces. On peut facilement en trouver sur Internet dans le genre : « Sois belle et gagne ».
On peut citer David Douillet, ex-ministre des Sports et plusieurs fois champion du monde et olympique de judo : « Pour moi, une femme qui se bat au judo ce n'est pas quelque chose de naturel, de valorisant. Pour l'équilibre des enfants, je pense que la femme est mieux au foyer ».
Ou encore Pierre Ménès, journaliste sportif, qualifiant les femmes pratiquant le football de « grosses dondons qui étaient certainement trop moches pour aller en boîte le samedi soir ».
Bannir le sexisme du monde sportif, c’est possible ?
Comme nous l’explique Aubane, les inégalités et le sexisme dans le sport de haut niveau sont toujours d’actualité et bien tenaces. D’ailleurs, une journaliste sportive pointe du doigt les dysfonctionnements dans le monde du sport avec un documentaire coup de poing.
Cette journaliste, c’est Marie Portolano. Avec son documentaire « Je ne suis pas une salope, je suis une journaliste » sorti le 21 mars sur Canal+, elle espère changer les mentalités. Dans ce reportage, Portolano donne la parole à une vingtaine de femmes, journalistes sportives elles aussi, qui dévoilent la face cachée bien sombre de leur métier entre commentaires misogynes, remarques sur le physique ou la compétence, insinuations sexuelles et harcèlement moral et sexuel souvent venant de la part de leurs collègues.
Encore imprégné de stéréotypes car longtemps occupé par des hommes, le sport est un monde encore difficile à atteindre pour les femmes (sportives ou journalistes). Néanmoins, le documentaire de Portolano, qui a beaucoup fait parler de lui, contribue à la déconstruction des clichés sexistes et à l’avancée d’un long combat.
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